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Les NFT dans les jeux vidéo, une histoire compliquée

Les NFT dans les jeux vidéo

Après l’explosion de la tendance des NFT ces dernières années, plusieurs dirigeants du monde du jeu vidéo ont vu une opportunité se dégager. Ubisoft, Electronic Arts ou Square Enix, de nombreux mastodontes de l’industrie montrent un intérêt certain envers cette nouvelle technologie. Cependant, la communauté des joueurs n’hésite pas à montrer son désaccord face aux annonces relatives à ce sujet.

 

C’est un acronyme de trois lettres qui a été sur toutes les lèvres pendant plusieurs mois l’année dernière : NFT. Ces « Jetons Non-Fongibles » une fois leur nom traduit en français ont fait grand bruit dans les médias depuis que le monde de l’art s’en est emparé courant 2021. De nombreuses célébrités se sont mises à acheter des œuvres d’artistes jusqu’alors inconnus du grand public, et de nombreuses communautés se sont formées ente passionnés ou détracteurs de cette nouvelle façon de consommer l’art.

 

De plus, les NFT se sont exportés dans des domaines très variés : les mondes de la musique, du cinéma et maintenant du jeu vidéo commencent à les implémenter et ce malgré les réticences d’une partie des communautés concernées. Mais avant de s’intéresser aux possibles utilités des NFT dans la sphère vidéoludique et les débats qui en émergent, il est important de comprendre le concept fondateur sur lequel se base la technologie des NFT : la blockchain.

 

La blockchain, qu’est-ce que c’est ?

 

C’est certainement le concept le plus compliqué à comprendre par rapport aux NFT, mais aussi le plus important pour comprendre leur fonctionnement. La première utilisation de la blockchain remonte à 2009, quand Satoshi Nakamoto s’en est servi pour créer la première cryptomonnaie, le Bitcoin. Une blockchain est, comme son nom l’indique, une chaîne de blocs de données permettant de stocker et de transmettre des informations entre utilisateurs, le tout de manière décentralisée, sécurisée et transparente.

 

Les blocs d’une blockchain peuvent être imaginés comme de grands registres où sont notées toutes les informations existantes à un instant T. La force de la blockchain, c’est qu’une fois qu’une donnée y est inscrite, il devient très difficile de la modifier, principalement grâce à la manière dont sont construits les blocs. Chaque bloc contient des données, un identifiant qui lui est propre ainsi que l’identifiant du bloc qui le précède. Par exemple, dans la blockchain du Bitcoin, les blocs contiennent le détail des transactions ayant eu lieu à un instant T, comme les informations des parties impliquées ainsi que le montant de la transaction.

 

L’identifiant d’un bloc est ce qui assure la sécurité de la blockchain. Il est toujours unique, comme une empreinte digitale. Cependant, si quelque chose change à l’intérieur du bloc, son identifiant changera aussi. C’est là qu’entre en jeu le troisième élément composant chaque bloc : l’identifiant du bloc qui le précède. L’identifiant de chaque bloc étant contenu dans celui qui le suit sur la blockchain, si celui-ci est modifié, le reste de la blockchain devient alors invalide puisque les identifiants ne concorderont plus.

 

Et les NFT dans tout ça ?

 

Maintenant que le concept de base est posé, attaquons-nous à la technologie des NFT.

 

Contrairement à ce que l’on croit, un NFT n’est pas une œuvre en elle-même, mais bien un certificat de propriété inscrit dans un bloc au sein d’une chaîne, et c’est à ce titre que l’on accorde une valeur monétaire dont le montant fluctue sur un marché. Ce concept vient de l’idée qu’il est difficile de déterminer qui possède un fichier digital, vu qu’il est très facile aujourd’hui de dupliquer et de partager un document grâce à Internet. C’est en cela que réside l’innovation des NFT : permette de quantifier un bien numérique, qui pouvait jusqu’alors être reproduit à l’infini, et attacher à ce bien une valeur soumise à l’offre et à la demande. Grossièrement, on a réussi à créer la rareté de biens numériques.

 

C’est pour ça qu’un artiste, après avoir créé une œuvre de n’importe quel type, que ce soit un dessin, de la musique, une vidéo… peut créer un NFT pour s’attribuer les droits de posséder l’original de son travail. Le NFT contiendra plusieurs informations sur l’œuvre et sera hébergé sur un bloc au sein d’une chaîne. Cependant, l’œuvre en elle-même ne sera pas stockée dans le NFT ou dans le bloc. L’artiste pourra ensuite, s’il ou elle le veut, vendre ce titre de propriété à une autre personne qui sera désormais détentrice de l’original de cette œuvre. Malgré tout, le créateur du NFT reste le détenteur du copyright et des droits de reproduction. En d’autres termes, un artiste peut vendre un tableau en NFT à une personne, tout en continuant à vendre des impressions de son travail au reste de la population.

 

Les NFT ne se limitent d’ailleurs pas qu’aux œuvres d’art : des places de concert, des noms de domaine, mais aussi des objets dans certains jeux vidéo. C’est d’ailleurs l’objet d’un récent débat au sein de la communauté des joueurs, entre pro- et anti-NFT.

 

Des NFT dans les jeux vidéo ?

 

La nature des NFT séduit plus d’une entreprise du monde du jeu vidéo, car certaines applications de cette technologie pourraient devenir de nouvelles sources de revenus. Pouvoir posséder et éventuellement revendre un objet numérique, qu’il soit unique ou en quantité limitée, serait très séduisant pour les développeurs d’un jeu. Par exemple, un joueur pourrait être le premier à terminer une quête qui donne accès à un nouvel objet encore jamais vu. Cet objet, en NFT, serait donc unique et pourrait être revendu au plus offrant, et ses créateurs pourraient se réserver le droit de prendre une commission sur la transaction.

 

Un autre exemple plus concret serait celui du mode de jeu Ultimate Team de la série FIFA, qui propose aux joueurs de composer leur propre équipe avec des cartes représentant les différents joueurs. En publiant les cartes sous forme de NFT, avec certaines d’entre elles ayant une diffusion plus limitée que d’autres, une demande serait créée, et avec elle un marché qui régulerait les prix tout en permettant à EA de récupérer une partie du prix de vente. Et cela pourrait fonctionner dans d’autres jeux pour des objets différents, comme des armes, des véhicules, ou même des skins exclusifs pour changer l’apparence de certains éléments du jeu. De plus, cette implémentation des NFT dans les jeux vidéo permettrait d’endiguer en partie un « marché noir » actuellement en place, de personnes revendant des comptes sur lesquels se trouvent des objets rares et convoités.

 

Actuellement, aucun des exemples nommés plus haut n’a été mis en place dans un jeu, mais de nombreuses entreprises montrent un intérêt certain dans la technologie des NFT et ce pour des raisons variées.

 

Des opinions mitigées

 

Ubisoft a commencé à utiliser les NFT dans son jeu Ghost Recon Breakpoint, sorti en 2019. Le jeu s’étant révélé décevant pour une partie des joueurs, Ubisoft a décidé d’arrêter de le mettre à jour, et cela inclut l’ajout de nouveaux NFT sur Quartz, la plateforme créée par l’éditeur français pour distribuer les jetons non-fongibles liés à ses titres. Néanmoins, Yves Guillemot, cofondateur et actuel PDG d’Ubisoft, a qualifié la blockchain de « révolution », et a affirmé qu’elle apportera avec elle « …plus de play-to-earn qui permettra à plus de joueurs de vraiment gagner et posséder du contenu ; nous pensons que ça va beaucoup aider l’industrie à se développer. »

 

Youke Matsuda, le prédisent de Square Enix, s’est exprimé sur la question dans une lettre rédigée en début d’année. Dans cette lettre, il affirmait « [Réaliser] que certaines personnes, celles qui jouent pour le fun, forment une majorité qui exprime vivement son opposition à ces nouvelles tendances, ce qui est tout à fait compréhensible. » Cependant, il expliquait s’intéresser aux NFT pour « …la minorité de joueurs qui joue pour contribuer, c’est-à-dire pour aider à rendre le jeu plus excitant », et que « …le jeu vidéo n’avait pas encore offert à ces personnes la possibilité de s’investir dans le monde d’un jeu. »

 

Malgré les discours prometteurs de la part des dirigeants des plus grosses entreprises du secteur, l’implémentation des NFT dans les jeux vidéo soulève quelques interrogations au sein de la communauté, qui ne voit pas forcément l’intérêt de cet ajout alors que des moyens plus traditionnels accomplissent le même travail tout en demandant moins de travail aux développeurs. Le développeur de MMORPG Damion Schubert s’est d’ailleurs exprimé dans un thread Twitter très intéressant à ce sujet. Malheureusement, il est seulement disponible en anglais.

 


Malheureusement, le concept des NFT reste encore abstrait pour le grand public, qui garde en moyenne une attitude réfractaire face à cette nouvelle technologie. Cependant, il est toujours possible que les consciences changent sur le sujet : une démocratisation des NFT et de la blockchain dans notre quotidien, en lien avec des tâches quotidiennes, serait une bonne piste pour commencer à faire accepter ces nouveaux concepts.